La ville du quart d’heure ou le retour de la proximité

La ville du quart d’heure connaît un engouement sans pareil depuis la crise de la Covid-19. Pourquoi ? Parce que ce concept répond à de nombreux enjeux inhérents aux milieux urbains et mis en exergue durant les périodes de confinement : pollution, bruit, perte de liens sociaux, inégalités, densification, etc. Mais le concept de ville du quart d’heure est-il applicable aux plus petites villes et communes, typiques du contexte wallon ? Voici ce que nous en pensons.


Qu’est-ce que la ville du quart d’heure ?

Le principe de la ville du quart d’heure est simple : faire en sorte que les habitants puissent pourvoir à leurs besoins essentiels à une distance d’un quart d’heure à pied. Ces besoins étant :

  • habiter (logement)
  • travailler
  • s’approvisionner
  • se soigner
  • s’éduquer
  • s’épanouir (loisirs)

Jusqu’à présent, le concept fait surtout des émules dans les (grandes) villes comme Paris, Barcelone, ou encore Bruxelles. Mais justement, l’accessibilité des services et infrastructures n’y est-elle pas évidente ? Pas tant que ça : on note parfois de grandes différences d’accès aux équipements d’un coté à l’autre d’une même ville, certains quartiers apparaissant comme « sous-équipés » en différentes fonctions de base, comme les points de vente alimentaires, les services ou encore l’accès aux soins.

Pendant que nous étions confinés et limités dans nos déplacements en pleine pandémie de Covid-19, nous avons tous eu le temps de remarquer les manquements de nos quartiers ou communes. D’où l’importance que prendra le retour à plus de proximité dans nos habitudes de consommation, dans le monde post-Covid à venir.

À l’origine de ces lacunes, se trouve notamment la problématique de l’urbanisme traditionnel « monofonctionnel ». Celui-ci consiste en la spécialisation, parfois à l’extrême, de quartiers dans une fonction urbaine spécifique : l’HoReCa, le résidentiel, le tourisme… Ces quartiers se montrent moins résilients en temps de crise . C’est pourquoi au cœur du concept de la ville du quart d’heure, il y a l’idée de créer des quartiers et territoires multifonctionnels, et donc plus résilients.

Quelles démarches envisager pour tendre vers la ville du quart d’heure ?

On peut résumer la démarche aux étapes suivantes :

  1. On commence par cartographier et analyser l’accessibilité des équipements et services pour les populations : points de vente alimentaire, lieux de résidence, lieux de travail, crèches, médecins, etc.
    Aux États-Unis, il existe même une application qui permet à toute personne de découvrir si l’endroit où il/elle habite répond aux critères de la ville du quart d’heure.
  2. Ensuite, on réfléchit aux solutions à offrir aux populations pour un accès rapide – à pied – à toutes les fonctions urbaines essentielles (en priorité celles identifiées comme « sous-équipées »).
    • On va souvent reconfigurer l’espace urbain pour qu’il soit plus adapté aux mobilités actives et aux piétons (voir, par exemple, l’extension du piétonnier à Namur, auquel collabore UPCity)
    • Comme nous l’avons dit, un des principaux axes de travail sera également de transformer les quartiers monofonctionnels en quartiers multifonctionnels. La logique peut être poussée jusqu’à une échelle plus fine que le quartier, c’est-à-dire rendre un maximum d’espaces multifonctionnels : les rues, les écoles, les gymnases, les places, etc. En architecture, la tendance est d’ailleurs à la conception de bâtiments plus modulables ou transformables.

Où a-t-on déjà appliqué le concept de ville du quart d’heure ?

Si on attribue souvent le concept de ville du quart d’heure à Carlos Moreno, professeur franco-colombien, l’idée avait déjà été appliquée par quelques précurseurs. Comme la ville de Portland (États-Unis), qui s’efforce d’être une ’20 minute city’ depuis plus de 10 ans déjà.

Les points communs de ces approches :

  • Leur objectif initial était de contribuer à la lutte contre le changement climatique : car en relocalisant, on réduit les déplacements et donc les émissions de CO2.
  • L’humain et ses besoins sont au cœur des politiques urbanistiques qui en découlent.

En France, c’est Rennes qui fait figure de ville pionnière. Son idée la plus innovante : la création d’un ‘Bureau des Temps’, en 2002. Celui-ci a pour mission de développer des politiques urbanistiques en prenant en compte la dimension temporelle, plutôt qu’uniquement spatiale. En effet, face à la densification de la ville et les défis qu’elle pose, il prend en compte l’évolution des rythmes de vie des habitants et propose notamment des aménagements « temporels » (ex. adaptations d’horaires). Ceux-ci ont un impact sur la mobilité et plus généralement le bien-être.

À Paris, la maire Anne Hidalgo a fait de la ville du quart d’heure une pierre angulaire de sa campagne électorale de 2020. Une belle preuve de la puissance du concept, qui a l’avantage de parler concrètement à l’imagination.

Ville du quart d’heure : applicable en dehors des grandes villes ?

Les villes wallonnes sont de tailles plus réduites et variées que la plupart des villes qui s’essaient au modèle de la ville du quart d’heure. Or dans les villes de taille moyenne, celui-ci s’applique plus difficilement :

  • Les services et commerces du centre-ville y souffrent encore davantage que dans les grandes villes, au profit de centres commerciaux et retail parks situés en périphérie, qui requièrent l’utilisation de la voiture.
  • Pour trouver certaines infrastructures importantes, comme un cinéma ou une piscine, le quart d’heure à pied devient une véritable utopie pour certains territoires (avec de grandes disparités d’une ville à l’autre).

Quant au milieu rural, il est tout simplement sous-équipé. La crise des Gilets Jaunes a douloureusement mis en lumière cette réalité. Dans un contexte où la voiture forme un lien crucial (voire le seul) avec le monde extérieur, il est logique que la perspective d’une augmentation du prix du carburant suffise à faire désespérer certaines populations locales. Imaginez le pouvoir apaisant que pourrait avoir un retour des services, commerces de proximité et emplois dans ces cadres de vie…

Territoire de la demi-heure

La proximité semble donc être devenue un luxe aujourd’hui en dehors des grandes villes. Pourtant, nous sommes persuadés qu’elle y est tout aussi vitale. Alors que peut apporter la ville du quart d’heure aux villes moyennes et aux territoires ruraux ?

  • Carlos Moreno, qui a popularisé le concept chez nous, trouve plus réaliste de parler de ‘territoires de la demi-heure’ dès que l’on se trouve dans des villes de moyenne ou de basse densité.
  • Toujours d’après Moreno, le mouvement vers la périphérie – qui semble encore inexorable pour beaucoup – pourrait connaître à son tour un déclin. Certains centres commerciaux périphériques sont déjà en difficulté. Et même dans les villes moyennes, les jeunes préfèrent se faire livrer plutôt que de fréquenter un centre commercial. Pour lui, c’est un signe qu’il est temps de revenir à une offre commerciale de proximité.
  • Rendre les lieux et quartiers plus multifonctionnels (voir ci-dessus), c’est une logique tout à fait applicable à de plus petites villes et communes.

Faut-il redessiner entièrement la ville ou le territoire ?

Pour implémenter la ville du quart d’heure, il ne faut pas nécessairement redessiner une toute nouvelle configuration urbaine. Hormis dans les nouveaux quartiers, le but est de développer le concept avec les infrastructures existantes, notamment en rendant des espaces multifonctionnels comme expliqué ci-dessus. Bien sûr, cela pose parfois de sérieux défis.

Ce qu’il ne faut pas oublier : une petite ville a des atouts naturels en faveur de la proximité, comme l’explique Daniel Herriges (Strong Towns). Elle a été conçue pour que les gens marchent, pour qu’ils aient tout à proximité et pour qu’il y règne un sens de la communauté. C’est pourquoi un centre-ville vide nous semble tellement contre nature.

Conclusion

Utopie ? Idée à la mode ? La ville du quart d’heure l’est sans doute en partie, mais chez UPcity, nous aimons les ‘modes vertueuses’.
Pour nous, la ville du quart d’heure répond de manière pluridisciplinaire à des problèmes que rencontrent bon nombre de villes et communes, tant pour les villes de grande taille que pour les villes moyennes et territoires plus ruraux.

  • D’une part, celles qui font affaire à une densification de la population, avec les problèmes associés comme la pression sur le logement, la bétonisation, etc. D’après nous, une partie de la solution consiste à (re)densifier le tissu urbain de manière intelligente, réduire les déplacements massifs en voiture, et recycler et réutiliser des espaces et équipements pour de multiples fonctions.
  • Et d’autre part, celles qui font face à une perte de leur attractivité en raison du déclin de leurs centres urbains ou noyaux villageois, de l’éclatement géographique des services… L’accent sur la proximité et sur le mixed-use peut là aussi contribuer à réinsuffler une dynamique positive.

Et n’oublions pas le principal, comme l’a dit Carlos Moreno : « La ville du quart d’heure n’est pas une baguette magique, il faut l’adapter aux conditions locales de chaque ville. »

Dès aujourd’hui, préparez le « déconfinement » de votre centre-ville, en vous appuyant sur les bons leviers, avec l’ensemble des acteurs concernés.

UPcity travaille activement à la relance des territoires et peut vous aider à construire un centre-ville plus résilient, qui répond aux besoins de demain.

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